La vie de Tiffany "The grosse pute" Smith Johnson


Londres, 1984, une bien belle année. Les membres fondateurs des Prisonniers étaient partis dans les bas-fonds du désormais célèbre Soho, afin d'écrire ce qui allait devenir le fameux précis de sociologie. Alors qu'ils arpentaient péniblement les étroites ruelles, une blonde vulgaire, à l'allure pourtant aguichante, les appela, coincée dans un petit cabanon. Cette dernière, dont le corsage ne demandait qu'à être arraché, voulait par tous les moyens les faire pénétrer dans le club privé qui la nourrissait. Les prisonniers, lassés des nombreux plaisirs de la chair, n'écoutaient qu'à moitié cette mégère infectieuse, fille de satan. Cependant sa voix retint toute leur attention lorsqu'elle prononça le nom de Tiffany Smith Johnson. En effet, c'était elle dont les interminables jambes couvraient toutes les affiches alentours. D'ailleurs un habitué du lieu leur en avait déjà parlé en des termes plus qu'élogieux, les assurant qu'il aurait bien voulu prendre ces jambes à son cou. Cette dernière pensée les poussa immédiatement à payer le petit pécule, synonyme de passeport pour le septième ciel. Confiants et curieux, ils entrèrent dans l'établissement.

Après une heure de joies contenues, le clou du spectacle, Tiffany bien sûr, déboula sur l'estrade à pas de velours. Le maigre tissu qui lui servait de tunique glissa bientôt à terre, faisant apparaître des formes que seuls les rêves peuvent décrire avec exactitude. Commença alors une danse veloutée qui plongea la salle dans un émerveillement intense. Leurs places à la première table du lieu valurent aux deux compères les vues les plus délicieuses et déjà ils désiraient parler à ce merveilleux objet de désir...

Le public s'était éclipsé depuis un petit quart d'heure et ils attendaient patiemment au bar la sortie de l'artiste. Et soudain elle apparut, belle comme au premier jour, vêtue comme une reine. Elle savait qu'ils voulaient lui parler, mais avant même qu'ils puissent la complimenter, elle fondit en larmes et confessa son désarroi :"Cela fait plusieurs jours que je vous attends, messieurs. Mon astrologue m'a indiqué que la venue de deux admirateurs dans ce club provoquerait des bouleversements dans ma vie, et pour tout vous dire, c'était le moment que ça arrive, car je désire ardemment changer de milieu. Ce travail de délurée ne m'intéresse plus. Je ne veux plus me montrer à des inconnus, je veux des amants fidèles, attentionnés et bien membrés. Emmenez-moi. Maintenant."

Ces propos touchants n'étaient pas tombés dans l'oreille de sourds. Comment résister à ce cri du cœur qui les avait complètement bouleversés... Après concertation, ils trouvèrent enfin la solution à ce dilemme. Le théoricien prit la parole :"Ecoutez, chère enfant, nos moyens sont maigres, moyens financiers s'entend, mais nous acceptons volontiers de vous sortir de ce trou à rat. Désormais vous serez notre secrétaire particulière, mais également la muse qui guidera nos plumes durant notre longue quête de la vérité."Après ce concert de belles promesses, l'homme de terrain prit un mouchoir vierge de toute empreinte et essuya délicatement les chaudes larmes qui perlaient sur les joues de la douce. Puis il ajouta :"De plus, en tout temps et en tout lieu, tu nous devras obéissance et dévotion. Tel est le souhait du comité." A ces paroles, un sourire illumina le visage de Tiffany qui pensait avoir trouvé le groupe rédactionnel libre de sa vie.

Puis ils décidèrent, après un dernier bourbon, de s'en aller. Tiffany devançait les prisonniers de quelques foulées lorsque l'homme de terrain, comme à l'habitude, glissa au théoricien :"Alors là, j'peux t'dire que c'est une toute grosse pute..." et l'autre de répliquer :"Ça...". Et c'est ainsi que Tiffany devint rapidement et pour l'éternité Tiffany "The grosse pute" Smith Johnson.



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