Mes fils, soyez pardonnés.
Cela fait plusieurs années que je m'occupe de jeunes délinquants pour les remettre dans le chemin du juste et jamais je n'avais ressenti un tel désarroi en lisant vos petites insanités. Je devrais vous fesser pour votre attitude égoïste et prétentieuse, je devrais alerter non seulement les autorités publiques mais aussi religieuses pour vos propos salaces et dédaigneux, je devrais imposer à vos personnes l'excommunication pure et simple. Mais je ne le ferai pas. J'ai pitié. Dans cette société vouée au sexe, à la débauche et au jeu, je me rends bien compte que vous n'y êtes finalement pour rien. C'est vrai, à l'époque la masturbation était un luxe, maintenant c'est un exercice dépassé. Tout fout le camp.
J'avoue pourtant que j'ai été agréablement surpris par votre ouvrage sur la psychologie militaire. Tant de sagesse à votre âge me semble de bonne augure si vous souhaitez un jour rentrer dans les ordres. J'ai par contre trouvé votre Introduction à la théorie générale du couple largement vulgaire et particulièrement la partie signée par votre expert. En effet, ce gai luron voue au sport un culte qu'il ferait mieux de réserver au Tout-Puissant. Entre nous, j'ai conçu un programme d'entraînement à la prière dont j'aimerais beaucoup vous entretenir.
Au vu de ces quelques remarques, mes fils, je veux que vous vous confessiez au plus vite. Montrez au Seigneur que vous n'êtes pas des hérétiques mais que votre jeunesse n'est de loin pas à la hauteur de votre talent. En outre vous réciterez une dizaine de Pater noster et pour la forme un Je vous salue Marie de derrière les fagots. Afin de sceller divinement nos accords de principe je veux bien faire un geste. "Mes fils, malgré vos fautes trop nombreuses et vos esprits trop tourmentés, je vous bénis de la bénédiction du Très-Haut. Partez en Paix vers d'autres lieux plus féconds à la morale et oubliez désormais toute idée de vulgarité. Requiescant spiritus in pace."
Curé Boissard, sermons en tous genres
N.B. Vous seriez bien avisé, après tout ce que j'ai fait pour vous, de me transmettre rapidement l'adresse de votre secrétaire. Allez, je vous fais grâce d'un Pater noster ...